L'envers du décor du métier de scénographe, réinventer le musée

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#Spectacle / Théâtre / Cinéma #Culture #Patrimoine

Quand vous allez au musée, pensez-vous au métier de scénographe ? Si ce n’est pas le cas, pas de panique ! Ce métier est méconnu voire ignoré du grand public. Pourtant il est essentiel dans chaque musée. Le scénographe est chargé de la mise en espace d’une exposition ou d’un musée. Il met en scène les œuvres, il crée un univers et parfois une balade immersive à destination des visiteurs.

Depuis fin 2019, le musée Lambinet est en travaux. Ils permettent d’améliorer le parcours permanent et d’offrir une nouvelle scénographie aux visiteurs. L’équipe de Raconte-moi Versailles s’est rendue au musée Lambinet afin d’interroger Charlotte Bellando, scénographe et adjointe d’Emilie Maisonneuve, directrice du musée. Cette rencontre nous permet de découvrir les coulisses de ce métier plus surprenant qu’il n’y paraît.

Son parcours

L’art et le patrimoine sont au cœur du parcours de Charlotte. Pendant 3 années, elle réalise un bachelor en expertise et commerce de l’Art à l’IESA Arts et Culture option mobiliers et objets d’art. Cette formation permet d’expertiser les œuvres, d’assurer leur communication, d’organiser des expositions et des ventes. Attachée aux châteaux et aux musées, c’est tout naturellement que Charlotte réalise des stages dans des sites patrimoniaux au service conservation du château de Versailles et au domaine de Madame Elisabeth.  En 2019, elle entre au musée Lambinet en tant que stagiaire pour être assistante de conservation. Par la suite, elle devient collaboratrice scientifique afin de valoriser le musée à travers le mécénat, l’événementiel et les expositions. Elle a réalisé la scénographie de deux expositions et a été commissaire. En 2020, elle devient l’adjointe d’Emilie.

Ses missions

Ce métier revêt de nombreux aspects. Charlotte est comme le chef d’orchestre qui assure la coordination du projet scénographique du musée. Dans un premier temps, elle doit comprendre le propos de l’exposition, analyser l’espace et ses contraintes et appréhender les collections à présenter. Il faut concevoir le parcours de visite, sous la forme d’un plan détaillant les espaces, le mobilier, les dispositifs de présentation et d’accrochage ainsi que les ambiances. Il faut aussi choisir les acteurs qui assurent l’exécution du plan. Tout au long des étapes, il faut gérer les contraintes techniques et temporelles. C’est un travail à long terme mobilisant de nombreux acteurs.

Depuis fin 2019, le musée Lambinet est en travaux afin d’avoir une nouvelle cohérence dans son parcours et de rétablir son positionnement de “maison de collectionneurs”. “J’ai travaillé avec Emilie et Alice Gamblin, responsable de la régie des œuvres et de la documentation, afin de créer un parcours logique pour le visiteur en enlevant des espaces. On a donné une cohérence aux salles en créant des choses étonnantes et originales dans un style élégant.” explique Charlotte.

Dans ce projet scénographique, il faut s’occuper de petites tâches qui ont toute leur importance. Par exemple, il est nécessaire de choisir les couleurs des salles, l’emplacement des œuvres et du mobilier précieux. Le mobilier de confort pour les visiteurs est aussi important avec les bancs.  “Nous faisons valider les couleurs des salles par le maire François de Mazières. En amont, le peintre réalise des tests afin de voir si l’œuvre s’accorde bien à la couleur.  On a des murs qui sont entièrement noirs mais ce sont des choix que nous avons faits. Quand on inclut les œuvres, nous voyons que ça fonctionne. Ça fait partie de mes missions de faire accepter notre scénographie.” mentionne-t-elle.

Un travail de conception

Afin de concevoir un parcours de visite, il faut tout d’abord créer un plan afin de détailler les différents espaces. Cette étape est indispensable dans l’évolution du projet. Charlotte nous parle des outils qu’elle utilise pour réaliser les plans. “J’ai utilisé un logiciel libre de droits et gratuit avec KosyKaza. Grâce à cet outil, j’ai modélisé le musée entier et les œuvres en 3D. Les tests pour les couleurs et les matériaux ont été réalisés en grandeur nature dans l’enceinte du musée.”

Dans les musées, vous aimez peut-être lire les panneaux et les cartels. Ces supports demandent un certain temps de conception de la part de l’équipe du musée, car il faut veiller au propos scientifique autour des collections et sur l’histoire du lieu. Voici une anecdote intéressante. Ce ne sont pas les hommes mais les femmes de collectionneurs qui ont donné le plus d’œuvres au musée dont Nathalie Lambinet. Le destin de cette femme qui est à l’initiative du musée, vous est racontée dans notre article Le musée Lambinet, une maison de collectionneurs.  A l’époque, les femmes n’ont pas de personnalité juridique et ne sont pas reconnues. L’équipe du musée souhaite rétablir ce type de vérité historique. “Nous sommes une équipe composée de femmes donc on se sent très concernées par cette question.” dit Charlotte.

Il faut s’assurer que le projet scénographique respecte des normes préventives. En effet, les salles doivent être équipées afin de faire face au risque d’incendie.  Le musée a conçu les estrades en bois résistant au feu, qui ont été réalisées par les ateliers de menuiserie de la ville. Les œuvres doivent être présentées correctement afin d’en assurer leur bonne conservation. Le contrôle de la température et la lumière des salles sont indispensables pour protéger les œuvres. Les salles doivent permettre une circulation fluide afin d’assurer le confort de visite et la sécurité des visiteurs. Les bancs sont importants car ils permettent aux visiteurs de contempler les œuvres. Découvrez ici les étapes de construction des nouveaux bancs du musée. Ils ont été réalisés par l’atelier menuiserie de la ville. Eh oui, l’équipe du musée Lambinet doit penser à chaque détail dans ce temps de conception car la réussite de la scénographie en dépend !

Charlotte nous révèle les nouvelles thématiques des étages du musée. “Au rez-de-chaussée, nous aurons l’histoire des collections et l’esprit collectionnisme. Au premier étage, la reconstitution d’un appartement du XVIIIe siècle. Enfin, le dernier étage sera consacré à l’histoire de la ville et à la Révolution française à travers les collections de l’Ancien Régime au XXe siècle. Cette nouvelle disposition va permettre aux visiteurs d’avoir une meilleure compréhension des collections et de voyager dans le XVIIIe siècle au contact des objets d’époque. C’est une expérience à ne pas manquer !

Un travail d'équipe

Charlotte et Alice travaillent au quotidien avec les membres du musée et des services appartenant à la ville. Elles ont imaginé et dessiné l’intégralité du nouveau parcours mais les travaux ne pourraient se faire sans l’intervention de différents corps de métier. Les agents de la ville réalisent du mobilier pour les visiteurs, s’occupent de la peinture et de l’installation des éclairages. Charlotte et Alice coordonnent les travaux en donnant des indications précises aux agents durant les travaux. Des erreurs peuvent se produire si l’une d’elles n’est pas présente.

En interne, Charlotte travaille en binôme avec Alice Gamblin, responsable de la régie des œuvres et de la documentation. Cette dernière s’occupe de la gestion physique des collections ainsi que de leurs mouvements. Sachant que les réserves du musée sont pleines et qu’il faut stocker les œuvres dans des salles en les déplaçant régulièrement. Ça ne doit pas être une mince affaire ! Charlotte affirme que “déplacer les collections n’est jamais neutre car c’est une mise en danger des œuvres.”

L’équipe du musée est au cœur du projet pour faire émerger ce nouveau musée. “On travaille tous ensemble quand il y a des projets car les missions sont polyvalentes. On a une très bonne cohésion d’équipe car on veille les uns sur les autres.” dit Emilie. L’équipe est composée de 16 personnes : trois agents d’accueil dont une gardienne logée, un agent d’entretien, 4 agents de régie, un responsable de l’accueil, une secrétaire comptable, une régisseuse des collections, une chargée de la communication, une responsable de la médiation, une adjointe qui est Charlotte Bellando. Emilie Maisonneuve est la directrice du musée, de l’Espace Richaud et du Carré à la Farine qui est un espace d’exposition au carré Notre-Dame. L’établissement est rattaché à la direction des Affaires culturelles.

Un métier dans le feu de l'action

La vie dans un musée n’est pas de tout repos surtout dès qu’il s’agit de travaux ! Le rôle de la scénographie est primordial dans l’évolution et l’avancement des travaux. “On ne peut pas faire les choses à la place de Charlotte. Elle est indispensable. Tout repose sur ces épaules et cela peut être assez dangereux. Il y a une pression constante. On ne peut pas imaginer le temps passé et l’énergie dépensée.” explique Emilie.  

En plus de cet énorme projet, Charlotte se consacre aux expositions. La dernière sur la vie et l’œuvre de Molière à l’Espace Richaud a nécessité deux années de préparation. La création des expositions est très importante car elles sont basées sur les collections. Elles incluent aussi des prêts, des catalogues et des publications à préparer avant l’ouverture au public.
Pour le nouveau parcours de visite du musée, chaque œuvre doit être replacée dans son contexte, son histoire et ses techniques tout en étudiant ses composantes. Parfois c’est compliqué car l’équipe n’a pas la provenance des œuvres ni leur auteur. Dans ce cas, il faut faire des recherches et demander l’avis de spécialistes. La gestion de crise fait partie du métier car il faut savoir gérer les imprévus. S’adapter et être diplomate avec les différents acteurs sont des qualités indispensables.

Le contexte extérieur peut avoir un effet négatif sur l’avancée des travaux. “Suite au covid-19 et à la guerre en Ukraine,les prix ont explosé pour la matière première. On a réalisé une commande de cloche en verre et de cimaises (élément permettant de maintenir les œuvres sur les murs) mais nous ne savons pas quand ils vont arriver ce qui bloque le chantier.
Cette rencontre nous a permis de découvrir les secrets de ce métier largement méconnu. Être scénographe est un travail d’architecte d’intérieur. Il demande beaucoup de temps, d’organisation, de vigilance mais surtout d’être passionné afin de créer un nouvel espace cohérent et agréable pour les visiteurs. Dans cet article, partez à la découverte de l’histoire et des fabuleuses collections du musée.

Merci à Emilie et à Charlotte pour l’accueil et leur disponibilité durant l’entretien. Merci également à l’équipe du musée Lambinet.

Rendez-vous fin 2022 afin de découvrir l’aboutissement des travaux du musée. Ça promet d’être un très bel espace qu’il serait dommage de manquer ! En attendant, rendez-vous sur la page Facebook, Instagram du musée pour suivre l’évolution des travaux et sur sa chaîne You Tube.  Découvrez les ressources numériques du Lambinet sur le site de la ville.

Adresse :
Musée Lambinet
54 Boulevard de la Reine
78 000 Versailles
01 30 97 28 75
musee.lambinet@versailles.fr


Article rédigé par Cindy Yesli dans le cadre du projet "Raconte-moi Versailles"